putain de livre
La médecine fait des miracles. Tenez ces petites pilules, blanches et rouges, ça va vous soulager. Il faut les prendre dès les débuts de la douleur, sinon … Sinon, quoi, ça s’inscrit dans un coin du cerveau en mémoire et ça refuse de s’effacer ? Oui, quelque chose comme ça. Je les prends ses pilules au toubib. Au moins je ferais plaisir à quelqu’un. J’y crois pas, moi, à ses miracles. Ni à rien d’ailleurs. J’aurais pas dû sortir ce livre de l’étagère. Il était bien, là, couvert de poussière. Maintenant je la respire cette poussière et elle me brûle les yeux. Je l’avais oublié celui-là. Il n’a pas deux pages qui tiennent ensemble. Bien fait pour lui. Je retrouve les mots qu’il m’a infligés en intraveineuse à mon insu. Non, je le savais. Et pas que moi. Les autres l’ont lu également, fallait bien chercher à comprendre pourquoi il ne me quittait pas. Il est même tombé dans la baignoire une fois. C’est vrai, une fois, cette fois on a pris le bain ensemble. Bien fait pour lui. Salope de putain de livre. Maintenant, va comprendre pourquoi j’ai un peu de lui en moi. Presque rien, le plus mauvais assurément, le crétin ne peut que singer le maître, de loin. J’ai mal, bordel, tous ces trucs qui ressortent en vrac et me parlent du temps. Pas celui qu’il fait, celui qui ronge. Et puis je l’ai oublié ce putain de livre, coincé sur l’étagère, les malles défaites pour la dernière fois qu’il paraît. S’il savait qui sont ses voisins, ah, ça me fait bien marrer ! Pourquoi je l’ai ressorti, bordel. A cause d’une feuille tombée, va savoir si c’était pas exprès. Pour me ressouvenir quand je crois plus à rien. Faut que ça écorche encore les trucs qui font que du mal. Pour qu’on croit qu’on est pas mort quand on sent la douleur. Mais moi je crois plus à rien. M’en fout d’être égoïste avec ce mal de crâne qui ne lâche pas. M’en fout de mal le dire. J’ai pas les mots qu’il faut. Juste quelques lignes qui m’ont gâché le sang il y a très longtemps.