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Baie de l'Enfer
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8 décembre 2006

Le moins qu’on pouvait demander à une sculpture, c’est de ne pas bouger

Mai 1956

le 12

La critique est une chose sublime. Elle est digne seulement des génies. Le seul homme qui pouvait écrire un pamphlet sur la critique, c’était moi, parce que je suis l’inventeur de la méthode paranoïa-critique. Et je l’ai fait. Mais là encore, comme pour ce journal, comme pour ma Vie secrète, je n’ai pas tout dit, et j’ai pris soin de garder en réserve des pommes pourries grenades explosives et si, par exemple, on me demande quel est l’être le plus médiocre qui ait jamais exosté, je dirais Christian Zervos. Si on me dit que les couleurs de Matisse sont complémentaires, je répondrais qu’en effet elles ne cessent pas de se faire autre chose que des compliments. Et puis je répéterais encore qu’il serait peut être bien de faire un peu attention à la peinture abstraite. A force de devenir abstraite, sa valeur monétaire aussi deviendra très prochainement abstraite. Il y a une gradation dans le malheur de la peinture non figurative : il y a l’art abstrait qui a l’air si triste ; puis ce qui est plus triste encore c’est un peintre abstrait ; la tristesse s’aggrave de malheur quand on se trouve en face d’un amateur de peinture abstraite ; mais il y a pire encore et plus sinistre : être critique et expert de peinture abstraite. Parfois, il arrive une chose ahurissante : toute la critique est unanime pour affirmer que quelque chose est très bon ou très mauvais. Alors, on peut être sûr que tout cela est faux ! Il faut être le dernier des plus secs crétns pour affirmer que si les cheveux blanchissent, il est bien normal que les papiers collés jaunissent, eux.

J’ai intitulé mon pamphlet : Les cocus du vieil art moderne mais je n’y ai pas dit que les cocus les moins magnifiques de tous sont les dadaïstes. Vieillis, les cheveux blancs, mais toujours d’un anti-conformisme extrême, ils aiment à la folie recevoir d’une biennale quelconque une médaille d’or, pour une œuvre fabriquée avec la plus grande volonté de déplaire à tout le monde. Il y a tout de même des cocus moins magnifiques si possible que ces vieillards, ce sont les cocus qui donnèrent le prix de sculpture à Calder. Ce dernier n’a même pas été dadaïste, mais tous l’ont cru, et personne n’a pensé à lui dire que le moins qu’on pouvait demander à une sculpture, c’est de ne pas bouger !

Salvador Dali
Journal d’un génie

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Commentaires
C
oui pour Camille Claudel et Rodin, la passion peut déchirer grave et mener tout droit à la folie la plus perverse. Chez Camille, il y a avait une fragilité, une prédisposition ... mais ne cherchons nous pas tous à nous fondre totalement, corps et âme, dans l'autre au point d'en oublier de vivre ? C'est une nostalgie lointaine qu'il nous faudrait retrouver ... un point de fusion originel que nous avons connu un jour et que nous n'avons de cesse de retrouver.<br /> La passion amoureuse est terriblement attractive à vivre mais c'est une mort assurée. Ceci nécessite du courage pour aller jusqu'au bout ! Et la passion entre deux "créatures" (ce n'est pas péjoratif) est-elle possible sans une destruction mutuelle ? sincèrement mais c'est un grand sujet, je ne crois pas, la passion est pour moi avec un autre, une déraison même si passionnément attractive ! <br /> cat
J
Ce texte me touche profondément, excuse-moi Cat pour ce silence de plusieurs jours. <br /> Je pense aussi à la dramatique relation de Claudel et Rodin, muse l'un/e pour l'autre et artistes tous les deux.
C
Merci John pour ta réponse ... j'ai écrit quelque chose sur le sujet des Muses ce qu'était Gala pour Dali ... Le voici même si un peu long et cela te donnera peut-être une idée de comment les artistes créent :<br /> Sur ce chemin … novembre 20 <br /> Filed under Cogitations... by Cat | 6 comments<br /> <br /> Sur ce chemin campagnard où je chemine me dirigeant résolument vers une montagne pyrénéenne, je m’interroge sur la naissance même de ces mots que je pose ici ou là à la volée à qui veut les lire, et à leur teneur, aux messages qu’ils véhiculent car même si sortis tout droit de mes entrailles, par certains aspects ils me demeurent inconnus dans le cheminement même qu’ils empruntent, dans cet imaginaire qui est mien, avant de s’étaler offerts sur le papier.<br /> La sublimation est un des actes premiers, ma pensée naît, s’amplifie, prend forme et se développe dans une sphère rêveuse, aux confins d’un absolu que je pressens plus que je ne le connais, à la fine pointe de mon âme. La sublimation est un acte raisonné et tout autant déraisonné ne reposant que sur une fantasmagorie personnelle dans laquelle je chemine sans sécurité. Il n’est qu’un pas à franchir là pour pénétrer la schizophrénie ou le dédoublement de personnalité. Ma folie est une évidence consciente et maîtrisée, heureusement ! La sublimation repose tout entière sur une exagération des événements, une mise en incandescence d’un quotidien médiocre au demeurant. Car la vie dans son contexte habituel est de mon point de vue infiniment et définitivement ennuyeuse. L’équilibre consiste là à des allers/retours constants entre le médiocre et le sublime. Rester dans le sublime revient à rêver sa vie plutôt que la vivre et entraîne inexorablement si le réveil se fait de manière trop brutale à « péter les câbles ». En revanche, aller de l’un à l’autre en permanence peut me mener sans doute à percevoir cette voie du milieu dans laquelle je peux rester sans danger psychique.<br /> Mon écriture propose modestement cela, cette mise en mots d’aspirations plus élevées que celles que la vie me propose d’emblée et ces aspirations ne peuvent reposer que sur des sentiments, émotions tournant autour et quasiment essentiellement de l’amour naturellement. Quelle chose plus sublime que l’amour pourrait me toucher ? L’amour est la forme la plus aboutie du rêve humain dans son acception la plus divine. L’amour non sublimé, courant, quotidien, sans que je le rejette d’une quelconque manière et bien que toutefois je me refuse à m’y fourvoyer, a pour moi un goût d’insignifiance tentaculaire que je ne puis ramener dans mon écriture sans me séparer intérieurement d’un désir créatif qui me demeure vital.<br /> L’amour sublimé repose sur une perception exagérée, magnifiée d’un sentiment généré par un autre, cet autre n’étant pas pour autant et forcément partie prenante de l’histoire. En effet, une muse ne se choisit pas comme un kilo de carottes au supermarché, elle s’impose comme par un coup du sort bien que de mon point de vue, le hasard n’ait pas grand-chose à y voir.<br /> L’écrivain et la Muse se rencontrent car cette rencontre leur est essentielle, vitale quand bien même une des deux parties et pas l’artiste généralement, n’est pas partie prenante consciemment. Les deux âmes alors dialoguent et la muse est, de toutes façons, quelle qu’elle soit, essentielle et joue un rôle indéniable dans le processus créatif. Qu’auraient créé Dali sans Gala ou Baudelaire sans Jeanne Duval et si la Muse est communément Femme, le principe même peut en être masculinisé pour répondre à la créativité féminine longtemps niée.<br /> Certes ce rôle est difficile à tenir car « la muse est la langue », « l’inspiration personnifiée » et met en branle tout le processus créatif et poétique mais tout autant devient objetivée et l’homme muse a, le plus souvent, une certaine difficulté à se retrouver objet même dans sa finalité la plus désirable. La relation doit donc s’établir en absolue confiance, en conscience y compris des dangers que ce positionnement suppose. Le piège de l’amour porté à son plus haut point de fascinance et qui plus est gravé sur le papier, peut avoir des effets pervers que ni l’écrivain ni l’inspirant ne pourront véritablement maîtriser. C’est un risque, le risque de tomber amoureux de manière traditionnelle et très humaine ou de se sentir piéger dans une sorte de miroir aux alouettes … pas forcément mais … La muse peut alors se dédire, se retirer, se refuser, l’artiste restera orphelin et vide un moment, touché profondément naturellement et ce d’autant plus que sa créativité s’alimente dans les plus hautes sphères … mais rares sont les écrivains qui ne rebondissent pas et qui après quelques temps au cœur du gouffre, ne renaissent pas de leurs cendres et écrivent mieux peut-être, plus juste, l’expérience même dans sa plus grande noirceur étant toujours porteuse d’un sens de clarté.<br /> « J’allais sous le ciel Muse, et j’étais ton féal »<br /> <br /> De mon simple point de vue, le vrai poète ne peut se départir d’invoquer la présence, de boire aux lèvres et au cœur de la « nourricière de l’âme » dans une relation qui n’est souvent d’ailleurs que profondément spirituelle et où le commun y verra quelques déviances éventuellement d’attirances sexuelles. Or les muses ne sont pas forcément les amantes ou les amants mais bien au-delà de cela, les muses sont les Dieux qui soufflent à l’oreille de l’écrivain les oracles qu’il ne sait reconnaître seul en lui-même. Mes écrits inspirés aux sources même de mon cœur et de mon âme peuvent apparaître dogmatiques, donneurs de leçons, orgueilleux, hautains, intransigeants … oui … et pourtant il s’agit là d’une mise à nu de soi face au monde, d’un exercice d’auto analyse constant. Ecrire est être violé par le lecteur, être confronté, être vilipendé, être détesté même … l’écriture est donc une démarche de mon point de vue plutôt courageuse destinée à ouvrir des portes de compréhension car je ne fais que chercher qui je suis et l’autre en ce sens m’est indispensable, dans ses critiques, dans ses agressions, dans ses rejets comme dans ses messages d’amour. Dans cette quête éternelle du sens de la vie, j’offre aux lecteurs mes propres axes de recherche, mes propres divagations, mes propres errances, mes propres angoisses non point pour l’attirer dans mes souffrances mais bien pour lui signifier qu’il n’est pas seul et que je partage les mêmes questionnements que lui et qu’ensemble nous connaissons les mêmes terreurs. Et si permettre d’ouvrir une porte, en miroir, pour soi et pour l’autre, est orgueil alors je suis un écrivain orgueilleux. Mais j’offre dans ce jeu des jeux, dans ce jeu de Tao qu’est l’écriture, un miroir et me pose et pose toujours la question « que cherches-tu ? » car à cela, personnellement, je ne réponds toujours pas … et je cherche encore et toujours jusqu’à la confrontation létale, c’est ma vie ! Et si les écritures édifiantes mais hurlantes et souffrantes sont insupportables pour certains, alors les Cioran, Régis Nivelle ou Gamoneda entre autres sont à brûler rapidement … toute écriture perturbante est une leçon en elle-même non dans un sens dogmatique mais dans un effort de partage avec le lecteur sans lequel je suis définitivement stérile et seule. Et je prends là tous les risques à mon péril, car il me faut gueuler « mon désir à tout autre désirant » …<br /> Et la tempête peut m’engloutir, la défaite me crever, l’impossibilité aussi d’atteindre ce morceau de terre ferme et lumineux où je pourrai me trouver … oui et cet objectif que je poursuis par l’écriture, par la peinture, n’est peut être qu’un rêve, qu’un leurre … mais il vaut sacrément le coup !<br /> Et voilà je t’invite toi le lecteur qui me fait la grâce de me lire et si tu le souhaites à cheminer avec moi, sans crainte, sur cette route ô combien incertaine et périlleuse ! <br /> Cat 2006
J
Stairway, ce clown que tu as affiché sur ton blog a décoré les murs de ma chambre toute mon enfance. Ma mère avait accroché cette litho que je n'ai jamais aimée et que j'ai supporté jusqu'à ce que je le copie à ma manière sur une toile, jeune et vraiment souriant. Marrant.<br /> Cat, l'amour de Dali et Gala me fascine. <br /> Je ne connais pas bien Calder, j'ai envie de mieux le découvrir. Il a ouvert une porte à l'imagination, c'est bien. Et j'aime beaucoup cette photo, il a l'air sympa.
C
Dali jouait un personnage et sa force résidait dans sa non identification à ce même personnage ce que nous ne savons majoritairement pas faire !<br /> Dali aimait Gala et créait par Gala des chefs d'oeuvres, sans doute est-ce là la seule chose qu'il est bon de retenir ... <br /> Calder a une autre approche Abstraction-Création et sa grande question était justement "Pourquoi l'art devrait-il être statique", j'espère qu'il a vu bouger ses oeuvres ...et après tout, en quoi est-ce un problème ?<br /> cat
Baie de l'Enfer
  • Né d’un soir de solitude et d’une canette de bière, réveillé amnésique sur un port avec la gueule de bois. Truc classique de celui qui joue un personnage, il met un peu de lui, un soupçon de rêves, une cuiller d’imagination et sa schizophrénie ordinaire.
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